La première gorgée de Biere

La première gorgée de Biere

Cette année la feria de Nîmes m’a fait penser au célèbre recueil de Philippe Delerm : « La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules », comme une série de moments divers et exquis qui pourraient appartenir à tout un chacun et qui, en l’occurrence ont appartenu à de très nombreuses personnes.

Mes obligations personnelles et professionnelles m’ont empêché d’être présent à Nîmes pendant l’intégralité de la féria. Le parcours gourmand que je relate ici est, pour une part, lié à mes choix et pour une autre à mes disponibilités. D’autres auront sans doute recueilli d’autres pépites en d’autres lieux et à d’autres moments.

Ma première gorgée de bière fut prise au Latino, le mardi soir. Arrivé en avance pour le vernissage de l’exposition des contre affiches, je me suis rendu savourer au calme dans ce lieu, encore accessible une bière pression. On se presse de plonger les lèvres dans la mousse avant de se laisser désaltérer par la fraiche amertume.

A l’heure dite je traversais le boulevard pour me plonger avec délectation dans l’expo de 30 ans de contre-affiches. Petit plaisir en forme de madeleine, histoire de se souvenir de Juju, de rire ou sourire 30 fois dans la même soirée de ses impertinences au combien pertinentes tout comme de celles d’Eddie. Sans oublier, pour compléter cette séquence « souvenirs, souvenirs » certaines réminiscences des différentes férias évoquées.

Nouvelle traversée en sens inverse pour retourner au Latino pour le dévoilement de la contre affiche 2023. Nouveau sourire devant l’impertinence, et le côté iconoclaste de l’exercice, si brillamment porté par Eddie Pons, comme d’habitude. Et aussi face à ce féminisme subtil, consistant à surligner celui de l’œuvre originale par le contrepoint de la blague un tantinet machiste du petit toro peintre.

Le lendemain matin, mercredi jour des enfants, ce fut le plaisir de l’affluence aux arènes pour leur féria. Plaisir réconfortant de la transmission en action et d’un futur plus que possible.

Jeudi soir nous eûmes, sur les marches du théâtre, l’une des plus belles pépites de la Féria avec le quart d’heure Nîmois. Cette année Les Avocats du Diable avaient invité Stéphane Kochoyan. Il parait qu’entre le jazz et la java il y a de l’eau dans le gaz. Il n’en est pas de même entre le jazz et la corrida. Au terme de ce délicieux moment nous étions sans doute quelques-uns à revoir par la pensée une faena de Paco Ojeda et à l’entendre soutenue par le concerto d’Aranjuez, tout droit sorti de la trompette de Miles Davis.

J’étais de retour à Nîmes Samedi matin au Bosquet pour assister à l’encuentro et avoir le plaisir de voir un public conséquent s’intéresser aux prestations, par ailleurs toutes plus qu’honorables, de practicos français et espagnols. Petit plaisir sucré de la reconnaissance publique.

Errance avec un copain rencontré ce matin là au Bosquet pour atterrir finalement chez le Blond pour déjeuner. Plaisir réconfortant de la permanence du lieu et de l’homme qui tout en se voulant le plus flamenco de Nîmes est finalement l’un des plus agréablement prévisibles.

En attendant la corrida je me suis rendu à l’Atelier de Nicole Bousquet voir son exposition que j’évoque dans un article spécialement dédié à elle et entendre Philippe Béranger lire Antoine Martin. Plaisir rayonnant de la prose joyeuse et décalée de l’auteur servie par le talent du comédien qui joue le texte plus qu’il ne le lit et fait de l’auditeur un spectateur conquis.

Le soir aux arènes plaisirs rassurants d’un no hay billetes pour ce spectacle soi-disant décadent et en perte de vitesse et d’une Marseillaise reprise en cœur par tous ces citoyens signifiant que nos identités régionales composent notre identité nationale.

Après la course ce fut la remise du prix Hemingway, en piste avec la lecture de la nouvelle lauréate, la Clémence de Titus, s’intéressant avec intelligence et dans un style aussi enjoué qu’enlevé au phénomène contemporain de l’indulto. Plaisir contemporain.

Le lendemain, ma féria s’est achevée sur le plaisir délicat d’une faena de Morante caressant l’espace et arrêtant le temps. Il est des week-ends qui se terminent moins bien.

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