Conférence de Frédéric Saumade

Conférence de Frédéric Saumade

Samedi 22 avril l’association Atout Philo, en partenariat avec les éditions du Diable Vauvert a proposé une conférence de Frédéric Saumade, animée et conduite par Marion Mazauric, son éditeur, à l’Espace Culture, dans les Halles de Vauvert.

Frédéric Saumade est professeur d’anthropologie sociale à Aix-Marseille Université et membre de l’institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative.

C’est aussi le neveu de Claude Saumade et donc le cousin de Magalie.

Une telle parenté donne à penser que derrière le scientifique se cache un poète fait du bois de ceux que l’on peut croiser au cœur de la sansouïre de Camargue.

Il y a un peu de nostalgie dans sa démarche, beaucoup de sensibilité et une absence totale d’agressivité, même dans la critique des idéologies revendiquant la disparition de la tauromachie.

Si on lit la table des matières de son livre comme on lit le menu dégustation d’un restaurant étoilé on se dit que le festin se promet d’être copieux, varié et savoureux.
Voici pèle mêle quelques thèses proposées par l’auteur sur le thème de nos rapports aux animaux en général et au taureau en particulier, comme autant d’amuses bouche en prélude à la lecture du livre.

Vu de loin, dit Frédéric Saumade, la tauromachie est un scandale. Il faut cependant bien prendre conscience que toute forme d’élevage consiste à faire naitre des animaux pour les conduire, d’une manière ou d’une autre à la mort. D’ailleurs beaucoup de toreros cherchent à devenir éleveurs, mettant ainsi en œuvre dans leur vie, de façon concrète, ce cycle de la vie de la naissance à la mort.

Par ailleurs le cheval et le taureau font couple et sont au fondement de la révolution néolithique.

En effet l’homme a d’abord domestiqué les céréales, puis les grands animaux, ce qui correspond à un énorme progrès de l’humanité tant les sciences et techniques nécessaires furent difficile à acquérir pour des chasseurs.

La tauromachie est la mise en scène et la dramaturgie de cette domination. Elle associe dans de nombreuses situations, du campo au ruedo, ces deux animaux.

Sur le plan symbolique le cheval, utilisé notamment pour la guerre, est un signe extérieur et un symbole de pouvoir. Le bœuf est quant à lui associé à la richesse du fait de sa valeur propre et parce qu’il est l’outil de la conquête définitive du terrain une fois la phase militaire achevée.

La mise en jeu de la vie de l’homme est à considérer comme une prise de responsabilité de ce dernier dans l’acte de domination et, par suite, d’appropriation symbolique du pouvoir et de la richesse.

Historiquement différentes modalités et pratiques d’ordre tauromachiques avaient cours en parallèle des fêtes royales, pendant que certains jeux paysans utilisaient les taureaux.
Philippe V, qui ne goutait pas ce spectacle, interdit à la noblesse d’y participer en 1700.

Ne restait plus pour les spectacles taurins populaires que les toreros à pied, subalternes qui aidaient déjà les nobles dans la période précédente et certains vachers qui intervinrent dès lors à cheval en tant que picadors, le spectacle évoluant progressivement vers sa forme moderne.
En France c’est pour plaire à l’impératrice Eugénie de Montijo que la corrida, déjà parvenue à une forme relativement mature, fut introduite en 1851.

Avant cela la révolution française qui avait remplacé les fêtes religieuses par des fêtes révolutionnaires ayant de la peine à rassembler beaucoup de monde, favorisait les pratiques régionales non religieuses lors de ces festivités pour en augmenter l’attractivité.

Dans le sud les jeux taurins étaient très prisés. En ce qui concerne le sud-est c’est à cette époque et dans ce contexte que naquit la course à la cocarde.

En Amérique la pratique du rodéo, initialement indienne, relève du même phénomène de codification progressive de jeux populaires. Par ailleurs les conquistadors importèrent la tauromachie en Amérique du sud en 1527, six ans après la prise de Mexico.

L’Amérique c’est aussi le pays de Walt Disney que Frederic Saumade décrit comme un créateur de mythes. En particulier le personnage de Ferdinand le taureau exprime un amour du toro qui provient directement de l’univers taurin. Pour l’auteur Ferdinand est un hommage à la tauromachie en miroir.
Bref, si j’ai bien compris, Walt Disney était aficionado comme M. Jourdain était prosaïste … sans le savoir !

Frédéric Saumade essai de montrer en quoi les deux univers, aficionado et animaliste sont issus du processus d’élevage.

D’ailleurs, au-delà de la littérature et de la BD la dérision existe toujours et partout dans le monde taurin. Bien que l’on n’en voit plus trop nous avons longtemps connu les troupes comico-taurines et leurs charlotades. En Amérique lors des rodéos le personnage chargé de détourner la charge du taureau du cow-boy désarçonné est habillé en clown et désigné sous le nom de bullfigther.

L’animalisme est quant à lui la conséquence directe de deux dérives apparues de façon concomitantes dans le rapport de l’Homme aux animaux : l’industrialisation de l’élevage et l’apparition des animaux de compagnie.

La tauromachie aborde l’animal dans l’espace et dans son écosystème propre. L’animal de compagnie, comme l’animal de boucherie élevé de façon intensive subissent une domestication basée sur l’enfermement et une socialisation anthropocentrée, ce qui constitue une véritable et profonde maltraitance,  au-delà de celles très apparentes comme les conditions d’élevage et d’abatage, ou la castration.

L’antispécisme qui prône la libération des animaux conduirait, s’il était mis en œuvre, à une catastrophe écologique du fait de l’arrêt de la régulation exercée par l’Homme. 

Par ailleurs beaucoup de militants animalistes sont végans. Si on pense à ce que cela signifie c’est, en ce qui concerne l’alimentation, une compensation par des légumineuses en grande quantité, au bénéfice de l’industrie agroalimentaire mondiale mais au prix d’une aggravation de la déforestation.

Par définition une tradition fait l’objet d’une transmission orale. Faire disparaitre une tradition revient à provoquer la perte de savoirs et de savoirs faires ancestraux.

Pour autant toute approche manichéenne est à l’opposé de ce qui caractérise l’humanité. Toutes les formes de chasse ne sont pas défendables, toutes les formes d’élevage non plus.

Il faut accepter que l’humanité soit définie par une approche équilibrée.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              

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