On avait –enfin !- vu le vrai Morante, que son échec à l’épée n’avait pas empêché de faire une double vuelta, demandée par un public de qualité, très sensible. Seconde vuelta au trot, s’il vous plaît : Morante !…

Eh bien – excusez du peu -, Daniel Luque lui a subtilisé la « une » de la Feria. Charpenté, sérieusement armé, solide, le 4^e La Quinta, encasté, assez âpre, était un véritable combattant. Noble, certes, mais brave et pas naïf. Il transmettait beaucoup.

Pourquoi diable Luque le brinde-t-il au public ? Qu’en attend-il ?… La faena commence par des séries courtes, peu spectaculaires, mais sérieuses et bien maîtrisées. De la belle ouvrage pour aficionado averti.

Un authentique bras de fer est engagé. Quelle en sera l’issue ?… Insensiblement, les séries s’allongent, en même temps que la trajectoire des passes se prolonge et s’arrondit. La charge du toro se tempère. On est en train de changer de registre…. Et voici que le toro se rend, suivant maintenant à petits pas apaisés la muleta ensorcelante qui le conduit en rond et enchaîne les passes…

Totalement relâché, Luque termine son œuvre en passes d’un temple et d’une profondeur inouïs qui font rugir les arènes. Sublime. Il fallait à ce grand œuvre une estocade digne de ce grand toro, merveilleusement « inventé ». Daniel Luque ne s’est pas manqué. Arènes debout en délire, inondées de bonheur.

Les 2 oreilles tombent. La pétition faiblit à peine. Le public veut le rabo. Mais la présidente reste de marbre et le toro s’en va. Bronca majuscule, huées, sifflets… Double vuelta au matador.

Quel immense torero ! Quel toro ! Quel grand moment !

Toréer, ce n’est pas seulement faire des passes.