L’affiche des férias de Nîmes 2023 est l’œuvre du peintre nîmois Nicole Bousquet représentant un magnifique portrait de Conchita Cintron tout en finesse, en sensibilité, en nuance. Bref à l’image des faenas dont nous rêvons tous et que nous espérons chaque fois que nos pas nous conduisent aux arènes.
L’artiste a confié à la presse vouloir amener un peu de douceur face au débat politique autour de la tauromachie. Elle a déclaré au Réveil du Midi « Conchita et moi nous sommes mères, pas des barbares et nous aimons les taureaux toutes les deux. Je voulais amener quelque chose d’apaisé ». Je peux la rassurer tout de suite le message est bien passé. Une amie antitaurine, pas fanatique mais convaincue me disais ce matin à propos de cette affiche qu’elle la trouvait très mauvaise en ce qu’elle ne représentait en rien la barbarie, l’hystérie, la décadence et la violence de la féria. Elle n’a pas de mots assez durs pour la douceur émanant de ce portrait et notamment pour le bleu pastel de la chatequilla qu’elle aurait préféré voir rouge sang.
Même si le maire ne veut pas s’attarder sur la dimension politique de ce choix il faut bien dire qu’il n’est pas sans rapport avec l’air du temps. La démarche m’a d’ailleurs fait penser au récent ouvrage de mon ami Jacques Teissier « Tauromachie l’éternel scandale », paru l’an dernier au Diable Vauvert et qui explore une attitude résolument moderne qui consiste a considérer les arguments et la pensée antitaurine pour ne pas s’arcbouter sur des positions archaïques tout en connaissant et valorisant ce qui fait le positionnement spécifique de la tauromachie en tant que pratique artistique subversive à défendre et promouvoir.
De tous temps la tauromachie a évolué en se faisant le miroir de son époque, sans toutefois renoncer à son essence et ce qui fait sa spécificité.
Dans les temps modernes Il faudra bien se décider, surtout si nous souhaitons conserver le sens profond du rite taurin à faire évoluer les pratiques vers une meilleure acceptabilité. La problématique consiste donc à dire comment rendre le spectacle taurin plus acceptable sans en perdre ni l’essence ni le sens. La tauromachie espagnole n’est pas un sport. Elle est l’expression artistique d’un rite initiatique et d’un spectacle vivant associant les deux dimensions du théâtre aristotélicien en ce que le combat du toro est une représentation métaphorique et codifiée de la vie de la naissance à la mort (mimesis) et que les émotions ressenties par le spectateur sont purificatrices. A ce détail près que cette catharsis est inversée par rapport à celle d’Aristote puisque le spectateur ne sort pas purifié par le spectacle en se détachant des émotions négatives ou impures qu’il ressent mais chargé de l’envie de ressentir dans sa vie quotidienne les émotions positives qui furent les siennes à la vue de ce qui fait son admiration.
La réflexion est en cours depuis déjà quelques temps. Juan Pedro Domecq père parlait en son temps de modifier la pique afin de limiter le saignement. Alain Bonijol propose également une pique faisant moins de dégâts. Le premier pensait surtout à préserver la durabilité du toro et le second songe à retrouver un tercio de pique comportant plusieurs rencontres et permettant de mettre en valeur la bravoure du toro. On le voit les préoccupations taurines visant à améliorer la qualité du spectacle ne sont pas en contradiction avec les préoccupations relatives au bien être animal, tant s’en faut.
Le piège étant de tomber dans une forme de sensiblerie improductive et d’amputer la corrida de la mort du toro qui lui donne une part importante de son sens. Surtout s’il ne s’agit pas de sauver le toro, comme dans l’indulto, mais simplement de cacher sa mort en le tuant au toril, une fois sorti de piste comme cela se pratique parfois.
Il est possible de mettre en place une réflexion partant du bien être animal et débouchant sur une version améliorée, mais non édulcorée du spectacle taurin. Hubert Compan, Vétérinaire et aficionado, Aficionado et vétérinaire, évoque dans son livre éponyme une corrida expérimentale dans laquelle les blessures infligées au toro sont moindres et la mort, quoique donnée en piste au moyen d’une estocade à l’épée, comme aujourd’hui est débarrassée de ce qui l’entoure parfois, ne plait à aucun aficionado et donne des arguments de poids aux antis.
Cette réflexion est à poursuivre et surtout à mettre en œuvre. les actes symboliques comme le choix de l’affiche des férias de Nîmes en 2023 sont évidemment les biens venus. Espérons qu’ils annoncent une évolution nécessaire qui ne tarde pas trop à venir.
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