Les Ecoles Taurines en France

Les Ecoles Taurines en France

L’école taurine n’a pas toujours été le lieu et la voie d’apprentissage du toréo.
La première Ecole taurine du monde naquit en 1830 à Séville. Elle ne vécut que 4 ans.
Celle de Madrid fut créée en 1977. Et c’est seulement six ans plus tard que Christian Lesur crée le CFT, première école taurine française.

Comme tous les grands mouvements de l’histoire la naissance des écoles taurines françaises n’intervient pas ex abrupto dans notre histoire taurine.
Il y a bien sur le précédent espagnol, qui est forcément inspirant, mais il y a également les prémices françaises d’un enseignement un tant soit peu organisé et encadré.
Je pense bien naturellement à l’aventure du toro mécanique au mont Margarot et à Robert Blancou.
Au départ, ce n’était qu’un jeu qui a débuté sur autorisation spéciale de Maurice Blancou, père de Robert, pédagogue intransigeant et surtout grand aficionado. Les simulacres de corrida organisés dans l’herbe couvrant le réservoir du Mont Margarot, qui pouvait être un peu haute à la belle saison, tenaient plus de l’école buissonnière que de l’enseignement professionnel. Mais ils étaient riches d’enseignements.
Ici étaient transmis non seulement les gestes, mais aussi les règles et le rituel, l’histoire également, en particulier celle des toreros célèbres. Maurice est le premier traducteur français du règlement taurin. Et Robert, bon élève tant par la génétique que par l’éducation, connait par cœur tous les noms des toreros, toutes les passes et tous les enseignements ou les informations qui lui parviennent relativement à la tauromachie.
C’est là qu’un samedi de juillet 1958 Alain Montcouquiol donnera ses premières passes à un carreton.
L’aventure du Mont Margarot durera jusqu’en 1967.  Elle aura vu passer, outre un certain nombre d’aficionados de grande qualité Alain Montcouquiol et Bernard Dombs.
Le petit garçon Christian Montcouquiol regarda souvent son grand frère et ses copains jouer au toro sur le bassin. Et c’est cette même bande qu’il rejoindra peu après, lorsque son frère sera parti en Espagne, au campo, dans les capéas et les fêtes de village, lorsque le gusanillo commencera à le titiller.
C’est pourquoi, il n’est pas possible d’évoquer la naissance des écoles taurines françaises sans évoquer le mont Margarot.
Les écoles taurines françaises sont nées ici, dans le Sud Est.
La première on l’a dit, fut le CFT (Centre Français de Tauromachie) créé par Christian Lesur en 1983, qui a fêté ses 40 ans en 2023 et qui poursuit ses activités sous forme associative depuis.
Le projet est clairement de donner à des jeunes une formation tauromachique en vue de leur permettre d’embrasser la profession de torero.
Le cursus est décliné en 4 niveaux, Torero de salon, capeador, becerrista et novillero sin picador. Il y a un véritable projet pédagogique, structuré, comportant des enseignements théoriques et pratiques, avec du bétail à partir du deuxième niveau. Le contrôle des connaissances est continu et porte aussi bien sur la théorie que sur la pratique. La formation inclut l’entrainement physique et le développement des qualités artistiques des jeunes, afin de les armer pour exprimer leur personnalité.
Le CFT a vu sortir de ses rangs 20 matadors de toro. Le premier fut Denis Loré, Le dernier en date Solalito. Entre les deux des noms aussi divers que prestigieux émaillent la liste comme Bernard Marsella, Juan Villanueva, El San Gilen, José Manrubia, Gilles Raoux, Sébastien Castella, Marc Serrano, Julien Lescarret, Jonathan Veyrunes, Julien Miletto ou Roman Perez. Il y a aussi des professionnels comme Maxime Ducasse, Marc Monnet, David Romero, Marc-Antoine Romero Junior.
La deuxième, par ordre d’entrée en scène, est l’Ecole taurine d’Arles (du pays d’Arles), créée par Paquito Léal en 1988 qui la portera plus de 20 ans, jusqu’en 2009. Charlie Laloë « El Lobo », premier matador de toros issu de l’école prit ensuite le relais, épaulé par Auguste (Losada) et c’est aujourd’hui Mehdi Savalli, autre ancien pupille de l’école qui préside à ses destinées.
Le projet, quoique moins conceptualisé, peut-être moins écrit aussi est néanmoins complet et a une dimension sociale très forte. Paquito Léal ne voulait plus voir galérer les jeunes pétris d’aficion en quête d’un cadre et de soutiens pour les guider en tauromachie. On sait aussi que les jeunes qu’il a pris en charge, plus souvent venus de Barriol ou de Montplaisir que du centre-ville, même lorsqu’ils ne sont pas devenus toreros professionnels ont acquis, en plus des connaissances faisant d’eux d’excellents aficionados, une manière d’être et des valeurs en faisant des hommes accomplis.
Les matadors de toro issus de l’école sont El Lobo, « Morenito d’Arles », « Diamante Negro », David Lombardo, Mehdi Savalli, Jérémi Banti, Marco Leal, Roman Perez, Thomas Joubert et Juan Leal.
Ces deux structures ont produit ensemble plus de 30 matadors de toros français, soit près de 45% du total.
La suite attendra les années 2000, avec en 2003 la création de l’école taurine d’Hagetmau, qui fermera en 2009 et qui sera le premier centre de formation de Clemente, qui rejoindra ensuite l’AFAP. Nous y reviendrons.
2004 vit la création de l’école taurine de Béziers et du CTN (Centre de Tauromachie de Nîmes).
La première par Didier Bresson, le second par Brigitte Dubois.
L’école taurine Béziers Méditerranée est une association à but non lucratif dont le but est d’enseigner la tauromachie, de promouvoir et de défendre la corrida. Elle organise également des spectacles pour valoriser et présenter les élèves de la structure.
Chaque année, l’école forme des jeunes, garçons et filles de 7 à 20 ans environ, tous poussés par une même passion : le Toro. L’école taurine facilite l’apprentissage des fondamentaux, de la lidia, des terrains et des « encastes », elle permet aux jeunes élèves de faire leurs premiers pas devant le bétail. Parmi les matadors de toros sortis de l’école de Béziers, on compte Tomas Cerqueira ou encore Cayetano Ortiz.
Le CTN a un temps pris le relai du CFT sur Nîmes, Christian Lesur ayant marqué une pause dans son engagement qui, comme on peut le penser, est énorme pour faire vivre ce genre de projet.
Il a établi un partenariat avec l’école taurine de Barcelone en 2013. Façon de soutenir l’aficion catalane et d’élargir le recrutement en vue des organisations de spectacles.
Ici aussi le corps enseignant a surtout été composé de matadors de toros, San Gilen, Swan Soto, José Manrubia, Gilles Raoux et maintenant Morenito de Nimes. Des professionnels et d’anciens élèves apportent leur concours à la formation des jeunes comme Miguelito et Maxime Solera. Pendant un temps on a même pu voir sur l’organigramme Hervé Galtier, Président des Aficionados Practicos.
Parmi les anciens élèves on compte des matadors, Roman Perez, Patrick Oliver, Thomas Dufau, Mathieu Guillon et des novilleros avec picadors : Marc Antoine Romero, Vicente Cardo, Mateo Julian, Santiago Sanchez Mejia.
En 2006, Richard Milian a créé Adour Aficion, à Cauna. Premier professeur de Sébastien Castella, Richard Millian a conduit avec succès d’autres jeunes dans les arènes de France et d’Espagne et dans la vie.
On connait le personnage. Son projet est d’abord centré sur les valeurs.
Travail, perfection, rigueur, discipline, honnêteté et humilité sont les premiers enseignements, avant de parler de naturelle, de pecho, de véronique et de desplante.
La solidarité est une valeur inculquée par le Maestro et les jeunes apprennent à respecter le matériel soit acheté par les parents, ou qu’ils se  le prêtent et se le transmettent de catégorie en catégorie, pour former une belle chaîne d’entraide.
Richard MILIAN met tout son cœur et son Aficion pour transmettre à ses elèves son savoir-faire et, également et surtout, son savoir-être afin que, s’ils ne deviennent pas des Matadors de Toros, ces jeunes deviennent des hommes et des Aficionados porteurs de valeurs et de principes pour bien démarrer leur vie d’adulte.
Sont notamment sortis de cette école qui privilégie de petits effectifs, Antonio Joao FERREIRA, Thomas DUFAU et Mathieu GUILLON.       

On l’a vu au terme de ce rapide tour d’horizon, mettre sur pied et faire fonctionner dans de bonnes conditions une école taurine n’est pas une mince affaire.
Il faut financer le matériel, le bétail, les déplacements et les frais qu’ils induisent.
Il faut réunir de très sérieuses compétences et pouvoir consacrer énormément de temps.
Les modèles économiques peuvent varier, surtout pour l’achat de bétail. Un point capital reste l’organisation ou la participation à des manifestations taurines et de ce point de vue l’intervention des collectivités locales est souvent déterminante.

Il y a, à côté des écoles taurines, dans ce domaine de la formation des jeunes, le cas particulier de l’AFAP qui, mérite d’être regardé tant du point de vue du fonctionnement que du modèle économique.
Le projet de base de l’association est de partager la culture taurine par le biais de la pratique de la tauromachie. Comme ailleurs il y a une progression qui va du toréo de salon au stade de becceriste en lidia complète. Même s’il peut arriver aux practicos de se produire devant un public, généralement restreint, ce n’est pas le cœur du projet, ce qui fait que chacun peut progresser à son rythme, en fonction de ses propres objectifs et dans les meilleures conditions de sécurité.
Au fil du temps l’association a évolué en incluant dans ses activités des actions de partage et de diffusion de la culture taurine. Les plus emblématiques sont les actions de quartier réalisées en partenariat avec la Ville de Nîmes, et tout particulièrement Frédéric Pastor.
En 2009 Hervé Galtier qui était parti donner une conférence à Bordeaux, a rencontré Clément Dubecq et ses parents. A la fermeture de l’école taurine d’Hagetmau, ceux-ci ont contacté Hervé pour lui confier la formation de Clément. Hervé a commencé par refuser. Ils ont insisté, se sont déplacés pour le convaincre et finalement il a été intégré au sein de la section jeunes, créée à cette occasion.
En dehors de ce cas particulier le recrutement de la section jeunes est classique et se trouve complété par des jeunes rencontrés et repérés pendant les actions de Quartier. Frédéric Pastor offrant l’opportunité lors de certaines d’entre elles de monter des arènes portables et de proposer des classes pratiques. Les practicos y toréent le bétail sous le commentaire, le plus souvent d’Hervé Galtier. Il sort souvent un veau pour permettre aux plus intéressés et aux plus hardis de s’essayer à donner quelques passes.
C’est par exemple à l’issue d’une détection de ce type que l’association a rencontré Fabien Castellani qui s’est inscrit à la section jeune.
Le modèle économique des practicos est que chacun paie le bétail qu’il torée. La notion de partage est consubstantielle du projet de l’association. Les bêtes toréées ne sont pas épuisées, par respect mais également pour donner l’occasion à ceux qui n’ont pas loué de bétail de sortir de second. Cette disposition concerne tout particulièrement la section jeunes qui par ailleurs aide à lidier pour les practicos les moins expérimentés et contribue à sécuriser les sorties.
Concernant Clément qui a été à l’origine du processus en 2009 et 2010, les practicos qui louaient du bétail ajoutaient un petit surplus pour lui permettre de toréer.
Pendant son passage à l’AFAP Clemente (tito à l’époque) a toréé 17 novillos.
Lorsqu’est venu pour lui le temps des NSP, l’association s’est adjoint les services de Fermin Gonzales pour gérer les débuts de Clementito en costume de lumière.
On sait ce qu’il en est advenu ensuite. Clemente est le seul matador de toros sorti de la section jeunes de l’association. D’autres élèves se sont distingués. Antoine Saroul qui est allé en NSP, Hugo Stivenart qui est devenu Banderillero et Fabien Castellani qui est allé en novillada piquée.
Cette introduction de la section jeune a entrainé un certain nombre d’évolutions importantes, dont les practicos bénéficient également. Au tout premier rang desquelles les enseignements systématiquement réalisés par des professionnels. A ce jour Denis Loré est le professeur de l’association, depuis une dizaine d’années
De nouvelles modalités d’organisation ont vu le jour comme les Bolsin pro-am qui voient s’affronter 2 practicos et deux jeunes.

La coopération avec les écoles taurines, notamment le CFT, a été étendue.
L’association se positionne clairement sur la détection et, au plus tard lorsque le jeune arrive au stade de la NSP, il est orienté vers une école taurine.

Finalement ce positionnement particulier a permis de trouver des solutions innovantes de financement, de professionnaliser de façon systématique les enseignements et de renforcer les coopérations avec les écoles taurines en affirmant le rôle de détection de cette structure.

« LLEGAR A SER FIGURA DEL TOREO ES CASI UN MILAGRO » pouvait-on, lire au fronton de l’Ecole taurine de Madrid. Et, en plus petits caractères, « pero al que llega, podrá el toro quitarle la vida, la gloria, jamás ».
Gageons que longtemps encore des vocations de passionnés et de professionnels, prêts à s’investir dans l’enseignement et l’éducation taurine des jeunes, verront le jour et donneront un petit coup de pouce au miracle.

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