Il y a une concomitance entre le mouvement des toreros français et mai 68.
Non pas exactement de date, puisque Alain Montcouquiol et Bernard Dombs, futurs Nimeno et Simon Casas étaient partis tirer le diable par la queue en Espagne, en 1965 à la poursuite de l’accomplissement de leur rêve insensé, je dirai même plus, insolent, pour de petits français, de devenir toreros. Ceci après avoir fait leurs tous premiers pas taurins sous la houlette de Robert Blancou au Mont Margarot quelques années plus tôt.
1968 sera pour eux deux l’année d’une certaine forme de reconnaissance, puisque c’est le 3 décembre, qu’ils reçoivent à Paris la bourse de la fondation de la vocation créée par Marcel Bleustein-Blanchet.
Quand on évoque le mouvement des toreros français bien d’autres noms viennent à l’esprit. Chinito, Jaquito, Frédéric Pascal, La India, et bien sûr Christian Montcouquiol, Nimeno II qui n’était pourtant qu’un enfant, le petit frère d’Alain à l’époque du Mont Margarot.
Viennent aussi à l’esprit tous ceux qui ont partagé leur aventure ou les ont accompagnés. Les immigrés espagnols qui transmirent leur aficion et leur savoir, comme Robert Piles, Pedro Romero ou Pepe de Montijo.
Il y a aussi Philippe et André Bouix, Jean Riboulet, Jean Maler, Christian Lesur, Jean Marie Bourret, Jacky Brunet. Je suis sûr d’en oublier et pas forcément des moindres.
On ne peut pas non plus oublier qu’ils sont les successeurs de quelques précurseurs comme les Pouly, père et fils, Felix Robert, 1er matador de toros français de l’histoire (1894), Pierre Pouly (III) étant le second de la liste (1921) et Pierre Schull qui devient le troisième matador français de l’histoire en 1958, 6 ans après la création de la féria de Nîmes.
Epoque formidable au cours de laquelle le tissu social dans son ensemble semblait communiquer à tout un chacun l’énergie folle d’affronter le réel en donnant corps à ses rêves. Martin Luther King l’a dit l’un des premiers en ces temps : I have a dream. Il a fait vivre ce rêve et en a payé le prix cash. On pouvait rêver marcher sur la lune … et le faire. De Gaulle rêvait la France et faisait vivre ce rêve aux Nations Unies et ailleurs. Aux atrocités de la guerre du Vietnam répondait le rêve du flower power.
Et c’est précisément ce qui est arrivé à cette poignée de gamins qui ont su trouver la force de donner vie à leur rêve en franchissant tous les obstacles et en bravant tous les dangers. Comme d’autres en ce temps-là Ils ont rêvé l’impensable. Comme d’autres ils l’ont vécu. Comme d’autres ils l’ont imposé au monde y compris par la révolte.
Le mouvement des toreros Français, c’est une longue liste de combats. Celui de ceux qui eurent le courage insensé de s’exiler en Espagne pour vivre la vie de maletilla. Le combat militant avec l’affaire de St Sever. La lutte syndicale emmenée par Frédéric Pascal, notamment pour le statut social. Et surtout la lutte acharnée de cette génération devant les toros, en Espagne et en France pour arracher cette reconnaissance dont la France leur était plus avare encore que l’Espagne. L’avènement de Christian Montcouquiol, Nimeno II, porté par son frère, en tant que figura del torero en fut la conclusion et le début d’une autre aventure qui se poursuit avec aujourd’hui 74 matadors français, sans oublier les 18 rejoneadors et un nombre important de professionnels reconnus.
Le mouvement des toreros français, c’est la révolte de grands rêveurs contre un système qui les ignore et ne les comprend pas. Leur principal message est « Il est interdit d’interdire » … même et surtout d’interdire d’être torero lorsque l’on n’est pas espagnol.
La tauromachie est toujours, dans sa forme, le reflet de son époque. Le mouvement des toreros français résonne avec son temps.
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