Qu’est-ce ce qui se « joue » dans une corrida ? Que met-on en scène ?
Au cœur de la corrida, il y a avant tout la mort. La mort parce que le toro meurt publiquement dans l’arène et que sa mort en est l’acte final. La mort aussi parce que le matador est lui-même en danger de mort. Dans la corrida, l’Homme affirme la vie en affrontant, en défiant la mort.
Mort et vie sont toujours liées. Pour vivre vraiment, il faut oser regarder la mort en face. N’est-ce pas en raison de sa conscience d’être mortel que l’Homme s’est posé la question du sens de son existence et qu’il est vraiment devenu Homme : « Qu’est-ce que je fais là ? Et pourquoi ? » Vivre de mort et mourir de vie disait, Héraclite, en 500 av. JC. Et Montaigne : Philosopher, c’est apprendre à mourir.
La corrida est toute entière contenue dans la rencontre avec la mort, dans l’acte final de tuer, dans le « mourir » comme risque qui donnera à la vie toute sa valeur et sa réalité. Là, il s’agit du mystère même de l’Homme et du cœur humain, qui a reçu la mort en recevant la vie et qui en a conscience.
Or notre monde contemporain se cache la mort -du moins quand il ne la donne pas en spectacle par l’image ! Et voici que la corrida donne la mort, la mort réelle en spectacle !… La corrida est effraction, dit Simon Casas, organisateur des corridas de Nîmes. J’ajouterais qu’elle me semble, de nos jours, une effraction particulièrement salutaire.
La corrida est une culture ancestrale à laquelle nous restons attachés ; mais elle est bien plus qu’une culture ancestrale. Sous son archaïsme barbare apparent, loin d’être sadique, elle cache un message des plus actuels, assez vital pour valoir de risquer sa vie. Étant entendu que les progrès de la médecine ne rendent quand même pas la mort de l’homme trop quotidienne… La corrida re-présente, « joue », en réel, le mystère et le drame de la vie humaine marquée par la violence, par la mort, et pourtant toujours animée, envers et contre tout, de la soif de vivre.
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